Dieu, Christine et moi

Publié le 17/09/2016 - mis à jour le 05/01/2020

En octobre 2013, lors des débats sur le « mariage pour tous », Christine Boutin affirmait avec force dans une interview pour le site Boulevard Voltaire :

« Le positionnement qui nous est demandé n’est plus un positionnement droite/gauche. Il s’agit de savoir si nous voulons une société avec une transcendance ou sans transcendance. »1

Formule qu’elle avait déjà servi par ailleurs en y prenant pour cible Nelson Mandela (!) :

« En réalité, le véritable enjeu est un combat non pas politique, mais spirituel, car nos adversaires veulent construire une société sans transcendance et sans Dieu.
 […] Le mouvement que nous subissons est un mouvement mondial. Nous sommes en guerre contre les idées qui veulent nier la transcendance. »2

Ne blâmons pas trop notre Christine nationale. Elle ne fait que s’inscrire dans la (trop) longue tradition des prosélytes zélés qui consiste à préempter un mot, un concept - en l’occurrence transcendance (spiritualité aurait pu faire un bon exemple) - pour en phagocyter le sens.

Ils en seraient les gardiens de droit divin, véritable tarte à la crème si on considère que Dieu, et le dieu de Christine Boutin plus que tout autre, incarne une non-transcendance absolue.

Parce qu'on a la transcendance facile chez Christine. On s’y contente de condamner les minorités en les traitant d’abomination, on y met sur le même plan le viol et la masturbation, on inscrit la gourmandise au catalogue mais on oublie la pédophilie au passage.

Le pauvre Dieu de Christine s’est fait atomiser dès lors qu’on a compris que les plantes avaient besoin de soleil pour exister. Il s’est fait balayer – transcender – par la seule compréhension du mécanisme qui gouverne l’alternance du jour et de la nuit.

La religion nous incite à ne pas comprendre le monde, écrivait Dawkins3. Elle ordonne de se satisfaire des superstitions d'un bédouin illettré pour réponse exclusive à toutes les questions du monde. Elle impose les préoccupations d’une humanité tout juste sédentarisée comme horizon infranchissable, en prenant soin de criminaliser les alternatives.
Le Dieu de Christine Boutin enferme le monde dans une prison de l’âge du bronze et menace du pire quiconque essaie de s'enfuir (de la transcender).

N’en déplaise à Christine, son pauvre Dieu n'est qu'une vaste blague qui donne le vertige tant il est vide. De la transcendance pour protohistoire et chasseurs de sorcières. L'humain ne s'est jamais si bien élevé et dépassé qu'avec la science. Et ce fut trop souvent contre le pouvoir religieux.

Dieu et ses dogmes c’est la criminalisation des sciences et l’échec de la philosophie. Aucune transcendance n’est possible quand le doute est proscrit et les questions châtiées.

Parfois, on trouve des croyants qui objectent avec une arrogance pathétique que la science aurait démontré sa faiblesse par ses erreurs passées. C’est pourtant tout ce qui fait sa force ! La capacité de se corriger, s’améliorer, s’élever, bref, de transcender l’état des connaissances de son temps et projeter l’humanité au-delà de sa caverne.

La transcendance c’est de découvrir que le temps n’est pas absolu mais dépend de celui qui en fait l’expérience. C’est de comprendre l’équivalence matière-énergie, de révéler la dualité des particules quand on les regarde d’assez près. C’est d’être obligé d’inventer des expressions pour quantifier l’inconcevable et ne les utiliser qu’avec l’espoir d’en trouver de meilleures.
La transcendance, c’est observer l’univers et apprendre l’humilité du fait de son absence de centre.

Quand Dieu nous parle de la matière, c’est pour faire des tours de magie, changer l’eau en vin et nous dire qu’il suffit de souffler sur l'argile pour créer l'humanité. Quand la Bible parle du temps, c’est pour nous expliquer que la Terre serait apparue après la domestication du chien.

La transcendance ça n’est pas Le Mystère, mais la résolution du mystère. L’humain n’a pas appris à voler avec des prières. Depuis des siècles, la science nous a permis, malgré les dieux, de comprendre l’humain, son monde, sa condition d’animal, son cousinage avec le chimpanzé, son passé d’amphibien, son origine bactérienne forgée de résidus stellaires.

Pendant tout ce temps, Dieu, lui, s’est préoccupé de savoir si je me masturbe.

 

  


  1. http://www.bvoltaire.fr/christineboutin/nouveau-nom-femen-connotation-diabolique,38469
  2. http://www.idc-europe.org/fr/-Je-savais-que-la-France-se-reveillerait-
  3. Pour En Finir Avec Dieux - Richard Dawkins - Tempus