Affimation :

Le Coran est la parole de Dieu, immuable et inchangé depuis sa rédaction.

Réponse courte

  • Des Corans du VIIe siècle, retrouvés de la mosquée de Sanaa (Yémen), invalident cette affirmation par leurs différences avec le livre moderne.
  • La rédaction du Coran moderne fut un processus long dont on connait bien les multiples interventions humaines.

Réponse longue

Pour les croyants musulmans, le Coran est la parole de Dieu, immuable et inchangé depuis sa rédaction au temps de Mohammed. Pourtant, plusieurs versions du Coran ont existé, avant sa standardisation définitive, des années après la mort de Mohammed.

En 1972 des parchemins sont trouvés dans le toit de la mosquée de Sanaa (Yémen), ce sont 926 Corans du VIIe siècle.
Les écarts par rapport au texte standard coranique contredisent la croyance musulmane selon laquelle le Coran, tel qu’il nous est parvenu aujourd’hui, est la Parole de Dieu parfaite, intemporelle et immuable.

De nombreuses variantes du Coran furent écrites, après la mort de Mohamed, dans le style hedjazi. Un style flou et difficilement compréhensible, sans ponctuation ni voyelle.
Une écriture sans signes diacritiques, ces points situés au-dessus ou au-dessous des lettres, qui permettent de différencier le « b », le « n », le « y », le « t » etc.

La première variante fut la compilation du premier calife Abû Bakr. Elle se base sur des témoignages de compagnons de Mohammed censés avoir mémorisé ses paroles exactes avant sa mort.
Mais, trop imparfait, le style hedjazi ne permet pas d'éviter d’importantes divergences. Au mieux, il offre un support minimal, acceptable pour les différents lecteurs.

En comparant les différentes versions, on constate des variations textuelles et un ordre inhabituel des chapitres (sourates), ainsi que des styles de graphie très rares. Plusieurs versions coexistèrent se revendiquant toutes comme fidèles à l’original, avec pourtant un nombre de versets et de sourates différent.
Celle d’Ali, cousin de Mohammed, comprenait trois fois plus de révélations coraniques que le Coran moderne. Il y eut aussi la version d’un proche de Mohammed, Ibn Massoud, qui perdura trois siècles.

En réalité, la rédaction définitive du Coran remonte au troisième calife, Othmân Ibn Affân, qui fit détruire tous les exemplaires non conformes au canon qu'il avait adopté.

Il imposa ainsi sa version :

Othmân : « Quelqu’un prétendrait-il que j’ai reçu l’intégralité du Coran ? Savez-vous ce que cela représente ? En vérité, une bonne part était déjà perdue, aussi vous pourriez dire que j’ai reçu ce qu’il en restait »
Gala Ed-Din El-Syouty
La perfection dans les enseignements du Coran.

Dans « La grande tentation » (Al-Fitnah Al-Kobra), Taha Hussein explique qu’Othmân Ibn Affân a brûlé sept versions différentes du Coran, détruisant ainsi « des versets donnés par Dieu et […] en partie le Coran donné aux musulmans par le prophète de Dieu. »

« Othman a désigné un petit groupe des compagnons du prophète pour réécrire le Coran. Et il ne s’est pas inquiété de la multitude des adeptes qui écoutent le prophète et gardent sa parole en mémoire. Lui-même leur a demandé de réécrire le Coran. Et nous pouvons comprendre la colère d’Ibn-Massoud, le premier des gardes du Coran.
Zaied Ben-Thabet (désigné pour collecter et reconstituer le Coran) était encore jeune quand Ibn Massoud contesta cette opération et refusa de brûler les différents Corans. Ainsi fut-il violemment jeté hors de la mosquée par Othmân. »

Ibn Massoud fut châtié publiquement par Othmân qui fit détruire toutes les autres versions. Othmân fut assassiné en 656 par des révoltés qui lui dirent :
« Le Coran c’était plusieurs livres et toi tu les a réduits à un seul ».

La conclusion de Qais Assef, chercher au CNRS pour l’Institut Français du Proche-Orient, partagée par nombre d’auteurs, se résume en quatre points :

  • « Les traditions concernant la collecte du Coran sont probablement des reconstitutions tardives (déformations).
  • L’intervention du calife Otman est une réalité historique, mais la portée de celle-ci est à nuancer.
  • Le Livre de Dieu, symbole de l’autorité califale, fut un des moyens pour légitimer le pouvoir omeyyade. (Importance du contexte politique depuis 632.)
  • La fixation du texte coranique fut un processus long et complexe étalé sur plus de 3 siècles. »

Références

"Mon idée est que le Coran est une sorte de cocktail de textes qui n'étaient déjà pas entièrement compris même à l'époque de Mahomet. Beaucoup d'entre eux peuvent même être plus vieux que l'Islam lui-même d'une centaine d'années. Même dans les traditions islamiques, il existe une énorme quantité d'informations contradictoires, y compris un important substrat chrétien ; on peut, si l'on veut, en tirer toute une histoire alternative de l'Islam.
Le Coran lui-même proclame qu'il est "mubeen", c'est-à-dire clair, mais si vous le regardez de près, vous remarquerez qu'une phrase sur cinq ou à peu près n'a tout simplement pas de sens. Beaucoup de musulmans vous diront le contraire, bien sûr, mais c'est un fait qu'un cinquième du texte coranique est absolument incompréhensible. C'est ce qui est à l'origine de la gêne traditionnelle concernant la traduction. Si le Coran n'est pas compréhensible, si même en arabe on ne peut pas le comprendre, alors il n'est traduisible dans aucune langue. Voilà pourquoi les musulmans ont peur. Puisque le Coran répète à plusieurs reprises qu'il est clair alors qu'il ne l'est pas, il y a là une contradiction évidente et très grave. Il faut passer à autre chose."

Citation de Gerd-Rüdiger Puin
Atlantic Monthly – 1999