[Comment j'ai quitté ma religion]
VII - Maël

Publié le 26/01/2020 - mis à jour le 27/01/2020

Je viens d'une famille de chrétiens non-pratiquants. Durant ma prime jeunesse la religion ne jouait pas un grand rôle dans ma vie. J’oscillais entre christianisme et déisme sans trop savoir quoi choisir. Ma croyance était faible, ce n'étais qu'un héritage culturel. A 20 ans je suis tombé dans une grave dépression, ma vie était vide, je ne comprenais pas le sens de mon existence, je cherchais des réponses. Et la première réponse qui m'a été accessible ça a été l'Islam. C'est une de mes connaissances, un musulman pratiquant, un salafiste qui m'a fait découvrir cette religion.

Nous parlions des soirées entières de l'islam. Et petit à petit, insidieusement il m'a endoctriné. Je suis tombé dans le premier piège qu'il m'a tendu, celui des miracles scientifiques du Coran. Selon lui et les vidéos de sheikh qu'il me passait il y aurait dans le Coran des connaissances scientifiques qui n'ont été découvertes qu'avec l’avènement de la science moderne. On a parlé du « miracle » coranique de l'embryon, celui sur les deux mers qui ne se mélangent pas et bien d'autres... et à chaque fois je m’émerveillais. Avec le recul, on peut le dire j'étais vraiment crédule à cette époque.

En plus de ces miracles scientifiques, il avait aussi cette cohérence ou plus exactement cette illusion de la cohérence qui me plaisait. Mon mentor me disait que le judaïsme et le christianisme avaient été corrompu par les hommes et que Dieu avait donc envoyé l'islam avec un dernier prophète pour parachever la religion. Je trouvais ça parfaitement logique sans savoir si le christianisme et le judaïsme avaient bien prédit l'arrivée de l'Islam.

Ma conversion à l'islam a eu lieu 5 mois après. Ça a été rapide, faut dire que mon mentor me mettait une pression énorme en utilisant la peur de l'enfer. Selon lui retarder ma conversion s'était prendre le risque de mourir mécréant. 

L’obsession de l'enfer qu'il m'a inoculée durant cette période m'a hanté durablement. Une peur pour moi mais aussi une peur pour mes proches. Devenir musulman implique de voir le monde différemment, un monde divisé en deux camps : les musulmans et les mécréants. Sauf qu'il y a un petit problème, votre famille fait partie de l'autre côté et il y a de fortes chances pour qu'elle meure mécréante. Une fois converti, mon obsession a été de tout faire pour leur éviter l'enfer. Mais ma volonté de les « sauver » venait sans cesse se briser sur leur scepticisme. Je me disais qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, qu'ils étaient fous de fuir ainsi la vérité. Et ça a durablement affecté mes relations avec ma famille.

Après ma conversion Je suis devenu vaguement pratiquant. Je suis quelqu'un qui déteste avoir des obligations donc la prière, je la faisais du mieux que je pouvais. Je faisais aussi le jeûne du Ramadan et les jeûnes « surérogatoires ».

Moins d'un an après ma conversion j'ai commencé à avoir quelques doutes. Mais lorsque vous êtes croyant vous pensez que les doutes viennent de Sheytan, que ce sont des insufflations sataniques. Alors vous faites tout pour les rejeter, empêchant ainsi toute poursuite de la réflexion. Et c'est précisément ce que j'ai fait. J'ai enfoui au plus profond de moi mes doutes et j'ai continué d'y croire.

Mon premier doute portait sur l’âge d'Aicha lors de son mariage avec Muhammad. Selon les hadiths authentiques celle-ci avait 6 ans lorsqu'elle s'est mariée avec Muhammad et 9 lorsque le mariage fut consommé. Je trouvais inconcevable que Dieu, créateur de l'univers laisse une fillette se marier à un homme beaucoup plus âgé qu'elle. C'était la première confrontation entre ma religion et ma morale. Mais je me suis dit qu'il y avait forcément une raison (que je n'ai toujours pas trouvé à ce jour) et donc j'ai enfouis ce doute au plus profond de moi.

C'est cette « boucle régulatrice de la foi » qui empêche le doute de percer. Vous essayez de vous convaincre qu'il existe une explication. Le but de tout ça c'était d'abord pour moi d'essayer de me convaincre que je n'avais pas fait le mauvais choix en devenant musulman.

Lorsque j'ai parlé de mes doutes à mon mentor il me disait que je devais « m'armer en science islamique », qu'il fallait que je renforce ma foi, qu'elle devienne un bouclier, pour ne plus avoir de doute.

Mon deuxième doute portait sur le fait qu'il fallait absolument croire en Allah pour avoir accès au paradis. Dans le dogme islamique tu peux faire du bien autour de toi et ne faire aucun mal, si tu ne crois pas en Allah tu ne vas pas au paradis. Je trouvais ça injuste et j'y voyais une forme de chantage à l'enfer : tu dois croire pour avoir la vie éternelle. Pourquoi est-ce que le créateur de toute chose voudrait qu'on croie tous en lui ? N'est-il pas auto-suffisant ? Pourquoi en a-t-il besoin ? Je trouvais ça indigne de la vision que j'avais de Dieu.

Mon mentor esquiva encore en me préconisant de m'armer pour faire face aux épreuves d'Allah. Il me disait qu'il fallait que j'arrête de douter et que je me focalise sur l'apprentissage du Tawhid (doctrine sur l'unicité de Dieu). En gros, laisse-toi faire, laisse-toi voler ta conscience. Si tu trouves quelque chose qui n'est pas logique, ça vient de toi et des insufflations sataniques mais certainement pas d'Allah.

Mais un événement va donner un premier coup d’arrêt à ma croyance en Allah : la découverte de l'arnaque des miracles scientifiques du Coran. Après avoir effectué des recherches approfondies sur le sujet je me suis rendu compte que tout était faux, inventé. Ma foi était totalement basée sur ces miracles. Dans mon esprit ça avait le rang de « connaissance », ce n'était pas une simple croyance, c'était solide, c'était prouvé. Quand je me suis rendu compte que ce n'était que du vent ma désillusion a été immédiate et immense. Tout s'est écroulé. Je ne voyais aucune raison qui me permettait de dire que l'Islam était la vérité donc à partir de là, pourquoi continuer d'être musulman ?  En une semaine j'avais quitté l'islam.

Mais même si j'avais quitté l'islam la peur d'Allah et de sa colère était toujours là. Je pensais que j'allais réellement aller en enfer. C'était comme si je ressentais la présence d'Allah immatérielle, je m'imaginais ce qu'il pensait, ce qui m'attendait si je ne revenais pas à l'Islam. C'était très dur d'assumer mon choix. Même me dire à moi-même que j'avais quitté l'islam me terrorisait tellement ma peur d'Allah était grande. Les connexions neuronales liées à la croyance étaient encore activées, malgré le choix conscient que j'ai fait. C'est l'unique explication que je peux trouver. Je n'y croyais plus et ne voulais plus y croire. Pourtant, Allah me terrorisait encore. C'était comme si je me disais à moi-même "et si jamais tout cela était vrai ?"

Finalement après 1 mois, de terreur j'ai choisi de revenir dans l'islam pour apaiser ma peur irrationnelle du châtiment d'Allah.

Il y avait aussi une autre raison à mon retour dans l'islam, depuis ma conversion cette religion avait totalement refaçonné ma vision du monde. Partir d'un coup, c'était se retrouver sans « colonne vertébrale » mentale, totalement perdu. Avant de devenir musulman j'étais féministe et je défendais les luttes LGBT.  Le jour où j'ai appris que l'homme avait un droit supérieur à la femme dans l'islam, et qu'il était possible de la frapper en cas de désobéissance ça a été un choc. Je l'ai d'abord mal vécu. Il y avait une confrontation entre ma morale et ma religion. Mais après plusieurs mois de tergiversation je me suis aligné sur la position misogyne de ma religion. A ce moment dans ma tête, je devais suivre le Coran car je le voyais comme la parole d'Allah. Et si Allah, le créateur de toute chose le disait, c'est qu'il fallait le suivre. A cette époque je suivais ma religion aveuglément, j’étais dépourvu de toute conscience propre. A posteriori, il faut bien le dire, à ce moment de ma vie, j'étais potentiellement dangereux.

Après ma deuxième conversion je suis devenu plus pratiquant, certes j'avais toujours des doutes mais je pratiquais la même tactique de l'évitement qu'avant. De plus en étant plus pratiquant, les prières rythmaient vraiment mes journées, créant une atmosphère bien plus religieuse, ce qui avait tendance à renforcer ma foi. Faire ses ablutions, puis ses 5 prières quotidiennes, ça vous fait rentrer dans une routine sans fin où vous pensez à la religion tout au long de la journée.

Mais il y a six mois, quelque chose que je redoutais le plus est arrivé, j'ai perdu un être aimé, mon grand frère qui est mort en tant que chrétien. C'est le premier décès auquel je devais faire face et en plus de ça il est mort mécréant chrétien. J'ai pleuré à en vomir. J'étais inconsolable. J'étais désespéré. Allah m'avait délaissé. Je me disais : tu m'as donc guidé pour ça ? J'ai accepté de mettre ma conscience de côté pour toi ? Et tu fais mourir mes proches mécréants ?

L'un de mes premiers doutes est revenu plus fort que jamais. Mes yeux se sont ouverts, les illusions sont tombées. C'est là, dans la douleur et les larmes que j'ai compris qu'Allah ne pouvait être qu'injuste. Dépersonnaliser l'humain pour ne voir en lui que le fait qu'il soit croyant ou non, n'est pas digne du Dieu que j'imagine, s'il existe. Suite à ça, j'ai apostasié dans les jours qui ont suivi avec l'intime conviction cette fois-ci, qu'Allah n'existait pas. Comment un Dieu pourrait être injuste ? Cette fois-ci, il n'y aura pas de retour en arrière : c'est terminé. Et je me sens tellement mieux sans religion.  Ma peur obsessionnelle de l'enfer s'est atténuée en l'espace de deux semaines. Depuis, je me sens mentalement bien, je n'ai plus de dépression, j'ai retrouvé un bon rythme entre le repos et l'éveil, je suis passionné par la lecture... Je n'ai plus de pression, plus de culpabilité, plus de peur. Je suis libre.

La première leçon que je peux tirer de cette expérience, c'est que la conscience est un trésor bien trop précieux pour qu'on se la laisse voler. La conscience nous permet de nous élever, c'est une fonction fondamentale chez l'être-humain, c'est ce qui nous rend unique.

Deuxième leçon c'est qu'il faut toujours être critique. Toute chose qui empêche la réflexion et donc l'élévation des consciences de manière générale est louche.

Troisième leçon : être plus empathique. Je n'ai vraiment compris l'injustice que lorsque ça m'est arrivé. Avant, ça ne me posait pas de problèmes qu'Allah fasse mourir des gens mécréants par sa propre volonté avant de les torturer éternellement en enfer.

 

Propos reccueillis par Hérétique