Lettre à un ami français

Publié le 12/02/2020

Mohamed*, français de culture musulmane, fut à l’origine d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux, qui montrait une personne transgenre se faire courser par des individus hurlant des insultes homophobes et transphobes, tout en jurant sur le coran.

La vidéo était simplement accompagnée d’un commentaire de Mohamed qui se limitait à en résumer le contenu et espérer que la victime s’en soit sortie indemne – ce dont on pouvait légitimement douter tant la vidéo était effrayante.

Jérôme*, un autre intervenant du réseau, interpella Mohamed. S’en suivit alors cet échange :

« Des extrémistes religieux, il y en a partout et il faut les combattre.
Évidemment ces actes transphobes sont intolérables cependant votre focalisation sur l’Islam est déroutante. On ne vous voit que très peu vous insurger contre les autres religions peuplées d’extrémistes.

- Lol ! La seule personne qui parle d’Islam c’est vous. Je ne fais que dénoncer factuellement une agression que vous n’arrivez même pas à dénoncer. Pour le reste, il est clair que vous ne connaissez pas mon combat et toutes mes dénonciations qui ont mené à des condamnations. »

Le texte qui suit est la réponse que l’auteur de ce billet a posté à l’attention de Jérôme.


Nous vivons dans un pays où les libertés sont lourdes d'obligations. On dit et pense ce qu'on veut d'une ou de toutes les religions. Elles ne sont pas des joyaux pervertis par l'homme, mais des textes ne nécessitant jamais autant d'exégèse que lorsqu'on veut en masquer la violence.

Parce que Mohamed est un français comme les autres, il peut cibler l'islam dans les proportions qu'il souhaite, tant qu'il ne nuit pas aux musulmans, et notamment à une pratique pacifique de leur religion. Il n'a donc pas à voir ses tweets autorisés selon vos statistiques.

Il a ce droit comme d'autres, plus nombreux et par lâcheté, ont celui de n'avoir de courage que pour condamner l'homophobie "blanche et chrétienne". Car il en faut du courage pour lutter, sans pseudonyme, contre la religion de ses pères. Avec, pour obstacle supplémentaire, celui des bourgeois pénitents qui attendent que le musulman n'existe en France qu'en costume folklorique, pour le restant de ses jours. La réalité, c'est que nos concitoyens de culture musulmane font vivre nos libertés, et c'est une épreuve pour beaucoup de consciences de gauche.

Nos aïeux n’ont eu qu'à attaquer le catholicisme, c'était déjà un énorme combat. Mohamed doit se taper le même sale boulot (et d'autres avec lui, parmi lesquels j'ai la faiblesse de me compter), avec en plus une gauche en partie démissionnaire qui ne se préoccupe que du décor, jamais du fond.

Avec la présence de l'islam en France, nous avons l'occasion de faire vivre nos libertés acquises en combattant le cléricalisme et l'immiscions du religieux dans la loi commune, sans jamais remettre en question les droits de nos concitoyens musulmans. L'homophobie n'en est pas un.

Nos ancêtres nous ont libéré du joug du catholicisme en attaquant le dogme et les intolérants sans s'entendre dire à longueur de journée "c'est pas ça le christianisme" par des frileux plus soucieux de tranquillité que de libertés. Mohamed est aussi Français que vous, mais par son combat il fait vivre nos valeurs mille fois plus que vous qui sortez d'on ne sait où qu'une religion est intrinsèquement bonne et que c'est la laideur des hommes qui s'exprime à chacun des crimes qu'on perpétue en son nom. Ou qui appréciez au kilo-tweet, entre deux religions, ce qui respecte la décence et les quotas, ou ce qui l’offense ou les dépasse.

Tout ceci parle de la façon dont vous regardez les Français de culture musulmane. Il y a dans votre réaction un fond copieux de "paternalisme blanc" qui veut que l'Arabe n’ait droit, face à l'islam, qu'à une dose mesurée de colère ; contrairement à l'homme blanc face au christianisme.


 * Les prénoms ont été changés.