Mes excuses à Michel Onfray

Publié le 24/07/2017

Cher Michel, je me permets de t’appeler Michel et de te tutoyer puisque, après tout, nous faisons partie du même club, du même cercle, de la même fratrie, celle des athées. Cher Michel donc, j’ai lu ton interview dans le Monde des Religions, interpellé par son titre hautement inspiré : « L’athéisme a ses bornés et le croyant ses éclairés ; et vice-versa. », titre qui est en fait un exergue de ton entretien avec le journaliste.
Ah, que cela a du être jouissif pour l’éditeur de rappeler aux lecteurs (du respectable mensuel) que les athées, groupe hétérogène auquel nous appartenons, peuvent parfois (souvent ?) se montrer arrogants, voire téméraires, pour ne pas dire irrespectueux, quand il s’agit de ne pas croire en dieux. Eh oui, tu affirmes que « l’athéisme n’est pas une panacée », que « l’athéisme, comme les autres croyances », peut être une « engeance cléricale »... Et que sa fin annoncée, qui viendra avec la fin du monde, sera également celle des religions.

Je voulais donc te présenter mes excuses, ainsi que les excuses de tous les athées que je représente, si ma non-croyance a pu ainsi te révulser et provoquer ta détestation. Comme cela doit être insupportable pour toi de côtoyer tous ces gens qui ne cessent de psalmodier dans leurs temples ces messes impies, en tapant leur poitrine au rythme des blasphèmes égrainés tout au long de tapageuses cérémonies. Je n’ose imaginer la souffrance pour toi, et pour toutes celles et ceux dans ton cas, qui doivent subir les longues querelles de paroisses athées, les batailles entre castes non-croyantes, ces rixes entre adorateurs de Richard Dawkins ou Christopher Hitchens.
Et si le dos lacéré de Raif Badawi t’a offensé, sache-le, nous n’y sommes pour rien et beaucoup s’efforcent de le masquer à ta vue, et à celle de millions d’autres personnes.

Je te supplie de nous pardonner, car parfois notre « fondamentalisme » nous fait oublier que nous vivons dans une ère de compromis, d’arrangements, de diplomatie. Oui, je suis d’accord avec toi, certains ne croient pas en aucun dieux avec encore plus de ferveurs que d’autres, heureusement ils sont une minorité. Ils sont assez difficiles à contenir, j’en conviens, toutes ces femmes et ces hommes qui n’ont pas été éclairés par la présence divine et qui en plus osent remettre l’existence de Jésus, d’Allah, de Seth, d’Athéna ou de Huitzilopochtli en question lors des festivités, concerts, conférences, émissions de télévision ou de radio et même sites internet, et dont la vision a du t’être imposée, sinon comment expliquer une telle colère ?

Mais je t’en supplie, comprends notre désarroi. Beaucoup d’entre nous n’ont pas eu la chance de recevoir un enseignement religieux dès le berceau. De recevoir la joie du baptême, de la sainte circoncision ou de la pieuse excision. Imagine notre désespoir quand nous prenons conscience de ne pas être né dans un pays en adéquation avec notre religion intime ! Tous ces musulmans qui naissent   de parents mormons, tous ces chrétiens qui naissent dans la juive Tel-Aviv, tous ces jaïnistes insoupçonnés qui naissent à Oslo, chaque jour que les dieux ou (l’absence de dieux) fait.

Beaucoup d’entre nous devraient faire leur examen de conscience et croire, ne serait-ce qu’un peu, à l’existence du divin, afin de ne pas déranger ces croyants éclairés, et de perpétuer la fragile mainmise des religions sur la population mondiale et de tout le bonheur qu’elles apportent sur les populations depuis la Palestine jusqu’en Mauritanie, sans oublier la Syrie, au Xinjiang ou la Birmanie.

Le monde ne serait-il pas merveilleux si tout le monde croyait, ne serait-ce que partiellement en une divinité, même mineure ? Allez, je suis sûr qu’au fond de ton cœur, toi aussi tu aspires à la paix mondiale et à la fin des inégalités, qui n’aboutiront, comme chacun sait, qu’à condition que chacun adopte une doctrine religieuse et s’y conforme même anecdotiquement, comme c’est le cas depuis plusieurs milliers d’années maintenant.

Voilà, j’espère que tu nous pardonneras nos excès, tous ces meurtres accomplis en notre nom, tout cet obscurantisme que nous essayons d’imposer partout, politiquement grâce à nos leaders ou socialement via nos prêcheurs, sans parler de l’intégrisme athée qui ronge les communautés croyantes les plus ferventes, qui essayent tant bien que mal de propager un message progressiste, humain et empreint de liberté, dont il est vrai que parfois nous avons du mal à discerner.

Pardonne-nous nos offenses,

ReligionFluid.